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LEOPOLD SEDAR SENGHOR
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre ;
La douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur,
Comme l'éclair d'un aigle.
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis
Aux caresses ferventes du Vent d'Est,
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde
Sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée.
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète,
Aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles
Sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l'esprit,
Les reflets de l'or rouge sur ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils Prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire,
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir
Les racines de la vie.******
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur ?